Socialisation : IEF VS école

« Tu ne t’en rends pas compte ! Faire subir ça à ton enfant ! Comment va-t-il se sociabiliser s’il ne voit pas d’autres enfants ? »
Combien sont les parents qui ont eu à entendre ce discours si dégradant sur leur point de vue et leur bonne foi ?

Il est vrai que lorsque l’on fait l’école à la maison, il est bien évident que l’enfant voit moins de monde que dans son école, mais expliquons quelques points.

On avance beaucoup plus vite. Je me souviens de tous les cours à domicile que j’avais : on avance 3 à 4 fois plus vite en étant en face à face que dans une classe en plénière. Je le vois tous les jours ; même avec une classe qui n’est pas en difficulté, la démarche d’apprentissage est différente et plus longue. Cela en revient au principe de la sélection naturelle et de la physique. Si un troupeau est pourchassé, il avance à la même vitesse que le plus lent, mais c’est lui qui se fera manger. Bien évidemment, ici ne se pose pas la question de supprimer le plus lent, mais malheureusement pour la classe, celle-ci est obligée, indirectement, d’avancer à son rythme. Lorsque l’on est seul face à l’enfant, le discours peut être adapté et plus facile à trouver car lorsque la classe est grande, le discours doit être beaucoup plus aseptisé. De plus, la connaissance de sa personnalité nous permet d’adapter nos cours et donc de les rendre plus rapide indirectement.

Le rythme face à l’enfant étant plus rapide, il est donc beaucoup plus facile d’organiser ses journées. Je me souviens d’un élève que j’avais en cours particulier qui recevait l’école à la maison. Le rythme était de deux à trois heures de cours par jour et le reste du temps, les journées étaient rythmées par les sorties ou les lectures. Cela n’en faisait pas un enfant reclus chez lui à ne pas comprendre le monde qui l’entoure, bien au contraire !
Revenons-en à cette « désociabilisation » : le temps restant de la journée pour les sorties et les visites est une occasion formidable pour l’enfant d’entrer en contact avec la société dans laquelle il évolue. Ferait-il cela, enfermé dans son école ? On voit des reportages aujourd‘hui très intéressants sur les différences éducatives dans ce domaine, et en général l’enfant scolarisé à la maison est souvent beaucoup plus avenant avec le monde qui l’entoure. Pourquoi ? Parce qu’en pleine journée, à l’extérieur -hors sorties IEF-, il verra surtout des adultes, les enfants étant à l’école. Cela développera une meilleure acceptation de l’adulte et du « plus vieux ». De plus, l’interaction en milieu d’aire de jeu est formidable avec les autres enfants, ces enfants se révèlent bien souvent demandeurs de contacts humains, quand les scolarisés en demandent moins, du fait de leurs contacts journaliers à l’école.

Les informations sont beaucoup plus centralisées pour l’apprentissage de base, mais l’occasion de sortie permet de faire un apprentissage plus élaboré, donc plus compris. Nombreuses sont les études menant à cette théorie : si l’apprentissage est expliqué et est enseigné avec plaisir, il est donc bien transmis et sera retenu. Dans la théorie, oui, dans la pratique non ! Ou tout du moins, cela dépendra de la pratique en elle-même…et du pratiquant ! Je me souviens avoir eu des classes qui prenaient plaisir dans les apprentissages, mais quoique vous fassiez, il y en a toujours un ou deux qui ne seront pas en adéquation avec votre système, et la difficulté de notre métier, en plus de celles qui s’ajoutent chaque année dans une société en constant changement, est là.

Comment faire adhérer l’élève qui ne vient pas chercher cette connaissance ? Je crois qu’aujourd’hui la solution se situe, pour ces cas particuliers, dans l’apprentissage et l’école à la maison. Peut-être ces élèves ont besoin de sentir les choses, les appréhender, les toucher. Dans une classe, on vous pose la théorie sur un tableau et débrouille-toi. Cela marche dans 95% des cas si le professeur fait ensuite une explication et un bon suivi, mais surtout s’il enseigne avec passion. L’instruction en famille se décide, se choisit, se motive. Ainsi, lorsqu’une famille est motivée pour enseigner ou recevoir des informations, elle les absorbe sans demander pourquoi, sans remettre tout en question, sans réfuter pour réfuter ce que lui enseigne le professeur.
Il en vient également une interaction avec l’extérieur qui peut être intéressante : l’élève peut s’inscrire à plusieurs sports ou associations autour de chez lui et cela aura plusieurs impacts sur sa vie sociale et personnelle. En effet, il est inutile d’expliquer les bienfaits du sport, mais aussi, il fera connaissance avec beaucoup de monde alors qu’aujourd’hui, les élèves adolescents peinent de plus en plus à aller au sport et les relations s’en ressentent. La participation à la vie associative sous n’importe quelle forme sera également un motif de socialisation tout comme un motif d’apprentissage dans le domaine associatif. J’ai vécu en province proche de jardins participatifs. Figurez-vous que j’y croisais souvent des enfants, même en pleine journée, lorsque j’allais chercher mes légumes. Peut-être les parents avaient ce désir également de les faire participer et apprendre. Savez-vous qu’aujourd’hui de plus en plus d’école annulent les sorties scolaires dans ces milieux ? Pas pour des raisons de « non envie » ou de motivation des enseignants, mais à cause des contraintes budgétaires, administratives et autres paperasses juridiques.….pour qu’au final, le perdant soit l’enfant.

Pour conclure, on peut constater que l’enfant ne sera pas désociabilisé, mais sociabilisé différemment. Tout dépend de ce que l’entourage créé dans sa vie de tous les jours. A l’école, ce sont les copains et les professeurs. A la maison, ce sont les parents, les adultes du quartier, des associations, et de temps en temps les enfants du parc d’à coté. Les deux sont souvent mis face à face mais rien ne les oppose, ce sont deux conceptions bien différentes de l’enfance et elles sont toutes les deux louables, bien entendu.

 

Julien Betoulle, de CYL Formations pour Pass éducation