Le projet de loi annoncé par M. Macron a fait l’effet d’un cataclysme dans nos vies ce vendredi 2 octobre 2020. La peur et la colère se sont tour à tour succédé. De quel droit allait-on nous enlever notre liberté de choisir, avec et pour nos enfants, ce qui leur convient le mieux ?
Je suis Julie G., maman de trois enfants et professeure des écoles en disponibilité. Mes deux filles se rendent dans leur école et collège publics chaque jour, et ce par choix.
Elles s’y épanouissent et cela d’autant plus qu’elles ont conscience que leur présence relève de leur volonté.
Ma seconde fille, L., a pourtant vécu un épisode douloureux et destructeur alors qu’elle était en CE1. Cette année-là, elle a découvert le harcèlement. Son regard s’est éteint avec sa joie de vivre. J’étais désemparée, meurtrie et je me sentais impuissante. Les multiples rendez-vous pris avec son enseignante n’ont rien changé. Jusqu’à ce jour terrible, où ma fille est rentrée, en larmes, cheveux arrachés, capuche déchirée, frappée par une élève devant d’autres enfants amusés par la scène. À l’époque, je ne connaissais que de nom l’IEF (Instruction En Famille) et j’avais de nombreux préjugés à ce sujet. Fille d’une enseignante passionnée qui m’avait transmis cette passion, élève appliquée et consciencieuse, l’école était pour moi la seule voie d’apprentissage et d’épanouissement. Ce jour, j’ai pris conscience des limites de l’école. J’ai eu recours à la justice pour protéger ma fille, seul moyen que j’ai trouvé à l’époque et qui, au final, bien que discutable, s’est avéré efficace. Je me suis depuis formée à la facilitation de cercles restauratifs (créés par Dominic Barter dans les années 90) qui permettent de lutter notamment contre le harcèlement en proposant un modèle de gestion de conflits dans lequel la récidive est bien moindre que lorsque la justice punitive intervient. Malheureusement, ce type de système est extrêmement rare dans les établissements scolaires. Suite à cet épisode douloureux, j’ai expliqué à ma fille qu’elle avait le choix de se rendre à l’école ou non. C’était la première fois que l’école devenait dans mon discours une proposition, une option.
Je me suis alors intéressée de plus près à l’IEF. J’ai donc pris contact avec l’association de parents pratiquant l’IEF dans mon département et les ai rejoints lors d’une sortie. Ce que j’ai découvert m’a profondément touchée et enthousiasmée. J’y ai rencontré des parents investis, ouverts d’esprit, à l’écoute de leurs besoins et de ceux de leurs enfants, des enfants confiants avec une maturité surprenante, une aisance relationnelle stupéfiante et un enthousiasme réel et palpable pour les activités qu’ils entreprenaient. Les mythes de ce que pouvait être pour moi l’Instruction En Famille ont volé en éclats. J’ai pris conscience de mes croyances limitantes et j’ai découvert les trésors de cette possibilité. J’ai lu John Holt, André Stern, Bernadette Nozarian et bien d’autres encore. J’ai été inspirée par le fabuleux documentaire de Clara Bellar ” Être et devenir”, par les interventions de Ramïn Farhangi, découvert d’abord à travers un TEDx. J’ai appris qu’un grand nombre de personnalités avait bénéficié de l’instruction en famille (Blaise Pascal, Pierre Curie, Marguerite Yourcenar, Jean d’Ormesson, Thomas Edison, Agatha Christie, Luc Ferry, Maud Fontenoy,…). Mon conjoint et moi, convaincus des nombreux bienfaits de l’IEF, avons tout simplement proposé à notre fils d’aller à l’école ou non l’année de ses trois ans.
Je ne peux pas dire que l’aventure que nous vivons depuis est une découverte. En réalité, ayant pu accompagner au quotidien mon fils durant ses trois premières années de vie, je vis cela davantage comme une continuité avec la conscience en plus de préserver le respect de son rythme à un âge où bon nombre d’enfants sont contraints de respecter des horaires, de se presser, de dormir et de manger à des heures imposées. J’accompagne mon fils dans ses centres d’intérêt et lui propose un contexte propice aux apprentissages : des sorties, des rencontres avec d’autres familles pratiquant l’IEF ou non, du matériel et un rythme adaptés… Il pratique, entre autres, la gymnastique, participe à des séances d’éveil musical et d’anglais, parce que cela lui plait.
Oui, je suis professeure des écoles et cela pourrait donner une raison à certaines personnes de me trouver légitime dans cette fonction de « maman instructrice ». Pourtant, lorsque mon fils s’est pris de passion pour les véhicules, je n’avais pas les connaissances requises. Alors j’ai appris. J’ai lu. J’ai cherché. Je sais aujourd’hui ce qu’est un andaineur, un compacteur et je différencie une pelleteuse d’une tractopelle… Et mes études d’enseignante n’y sont pour rien! Le très célèbre Jean d’Ormesson disait ”ma mère m’a appris le latin qu’elle ne savait pas, le grec qu’elle ne savait pas, les mathématiques qu’elle ne savait pas”. Les parents que j’ai rencontrés ont une connaissance approfondie du système scolaire en place et font preuve d’une implication admirative. Avoir la responsabilité de l’instruction de son enfant est à la fois vertigineux et enthousiasmant. Cela demande une patience sans faille, une remise en question régulière afin d’accompagner au mieux ceux que nous avons de plus précieux.
J’ai appris aussi en découvrant l’instruction en famille que je serais davantage contrôlée en étant une mère responsable de l’instruction de son enfant que lorsque j’étais à mon poste d’enseignante. Cette année, nous aurons notre première inspection à la maison et celle-ci aura lieu tous les ans, comme le stipule la loi, ainsi qu’une visite de la mairie une fois tous les deux ans. C’est bien plus que lorsque j’étais en poste (en moyenne tous les quatre ans).
Si l’école est une chance pour certains enfants, elle n’en reste pas moins inadaptée pour d’autres, voire dévastatrice.
Je pense notamment à tous ces enfants qui souffrent de dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, de Troubles du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H) à qui l’école n’apporte pas les solutions adéquates par manque de moyens et de formations ; A ceux qui, victimes de harcèlement, auront vu leur vie sauvée, et il n’est pas question là d’hyperbole, parce qu’ils auront eu la chance de sortir du système scolaire ; A tous ces enfants pour qui l’école est une source de souffrance parce que le contexte, les exigences physiologiques ou encore le trop grand nombre d’élèves ne correspond pas au respect de leur rythme et de ce qu’ils sont intrinsèquement. Les conditions d’accueil et de travail actuelles ne sont pas toujours adaptées et peuvent être source de souffrance aussi bien chez l’élève que chez l’enseignant. La souffrance des enseignants n’est plus à démontrer. De nombreux drames et témoignages ont été portés à la connaissance de tous.
Nous sommes différents et c’est bien là la richesse et la beauté de notre monde.
Julie G, Facilitatrice de cercles restauratifs, pour Pass Education