La pédagogie Montessori a le vent en poupe. Centrée sur les besoins de l’enfant selon le stade de son développement, concrète grâce aux manipulations qui précèdent la théorie et favorisant l’autonomie avec ses exercices autocorrectifs, cette approche a aussi l’avantage d’être transposable à la maison, surtout pour les 3-6 ans. Pour cette tranche d’âge, la pédagogie Montessori pourrait être qualifiée d’éducation sensorielle.
Les sens pour découvrir le monde
Maria Montessori comparait le jeune enfant à une éponge. Grâce à son « esprit absorbant », il s’imprègne de son environnement et apprend beaucoup, sans effort. C’est ainsi qu’il développe peu à peu sa langue maternelle : nul besoin de cours ou de programme pédagogique, le bambin intègre de manière naturelle la capacité à parler, progressant sans cesse, sans pourtant avoir l’impression de travailler. Or, son environnement, il le perçoit via ses sens. Dès sa naissance, il regarde et écoute. Des études scientifiques ont également montré qu’il était capable de reconnaître l’odeur de sa mère. Lorsqu’il maîtrise plus ses gestes, il cherche à tout attraper, conjuguant souvent le toucher au goût puisqu’il porte tout objet intéressant à la bouche. Autant dire que les sens principaux (la vue, l’audition, l’odorat, le toucher et le goût), et d’autres encore, sont déjà en action dès ses tout premiers apprentissages !
Pourquoi stimuler les sens
La pédagogie Montessori ne cherche surtout pas à intellectualiser trop vite les notions que l’on souhaite transmettre aux enfants, mais au contraire à respecter leur méthode spontanée d’explorer via les sens. C’est pourquoi, jusqu’à six ans, les enfants reçoivent cette éducation sensorielle, alors qu’ils traversent une période de maturation de leur système nerveux. Le matériel sensoriel est abordé après celui de vie pratique, qui a permis à l’enfant de beaucoup manipuler et d’exercer sa concentration. L’objectif consiste à stimuler et à raffiner les sens. Non seulement cela répond à un besoin profond de l’enfant de cette tranche d’âge, mais cela le prépare aux enseignements suivants en lui donnant une capacité à trier, classer, noter les différences, qualités qui l’aideront en mathématiques. De même, utiliser des termes justes pour décrire un environnement ne peut qu’être utile en langage. Maria Montessori a identifié plusieurs périodes sensibles qui marquent la croissance de l’enfant. La cinquième est appelée « la période de raffinement des sens ». Elle correspond au stade où l’enfant ne se contente plus d’absorber son environnement d’une manière inconsciente, mais commence à organiser sa représentation intérieure du monde en attribuant des catégories à ce qu’il découvre : « C’est froid, c’est mouillé, c’est lourd, c’est rugueux… ». Ces sensations ne sont pas des découvertes : il les expérimente depuis le début de sa vie. En revanche, les activités prévues pour lui dans les établissements Montessori vont lui permettre de les comparer et de les classer.
Un matériel spécifique
Le matériel sensoriel Montessori conserve les caractéristiques que l’on retrouve dans les autres domaines comme la vie pratique :
- il ne fait travailler qu’une difficulté à la fois ;
- il est autocorrectif, ce qui permet à l’enfant de l’utiliser en autonomie après une première présentation, et donc d’y avoir recours au rythme qu’il souhaite ;
- il est de belle qualité, car cela participe à l’éducation au beau ;
- il est progressif et permet d’affiner peu à peu les compétences travaillées.
Concrètement, cela se traduit ainsi : le matériel sensoriel ne stimule qu’un seul sens à la fois. Si l’on travaille le toucher, les yeux seront bandés ou au moins fermés. Si l’on écoute différents sons ou si l’on sent des odeurs, les contenants seront identiques afin de ne rien révéler à la vue. En isolant un sens, on atteint une concentration plus profonde. Dans un premier temps, l’enfant apprend à reconnaître, mais également à nommer sons, odeurs, saveurs, etc. Il met en paire des objets identiques en tous points sauf un, afin de se concentrer sur cette seule caractéristique et ne pas être troublé par des informations transmises par les autres sens. En même temps, un vocabulaire précis lui est donné. Ensuite, lorsqu’il est à l’aise avec ces activités, on augmente le nombre d’éléments à explorer (par exemple, en passant de la première boîte des couleurs qui ne comporte que les couleurs primaires à la deuxième qui y ajoute les couleurs secondaires). Il est également prévu de lui faire comparer et classer en fonction d’un critère choisi (par exemple, ranger les tablettes rugueuses du plus rugueux au plus lisse) : après l’appariement vient la graduation.
Des activités pour tous les sens !
Voici quelques exemples d’activités sensorielles. Il est désormais facile de trouver une présentation détaillée dans des livres ou sur internet.
- Raffinement de la vue : tour rose, escalier marron, blocs de cylindres, boîtes des couleurs, cubes du binôme et du trinôme, formes géométriques…
- L’ouïe : boîtes à sons, clochettes, jeu du silence…
- Le toucher : tablettes rugueuses, étoffes à apparier, activités de tri, volumes géométriques…
- L’odorat : flacons des odeurs…
- Le goût : flacons des saveurs…
Et ces cinq sens ne sont pas les seuls qui caractérisent l’être humain ! Maria Montessori prenait aussi en compte le sens stéréognostique, qui consiste à reconnaître des formes par le biais du toucher, par exemple avec le sac stéréognostique ou « sac mystère ». Sans oublier le sens thermique, avec les bouteilles thermiques à apparier selon leur température, ou les tablettes thermiques, faites de matières différentes, à classer selon le degré de chaleur ressenti.
Le sensoriel à la maison
Aujourd’hui, on trouve facilement du matériel Montessori, même s’il vaut mieux prendre le temps de vérifier comment il a été conçu. Certains fabricants placent un peu facilement l’étiquette « Montessori » sur des produits qui ne respectent pas, par exemple, le principe d’isoler les sens. Par ailleurs, certains éléments peuvent être fabriqués à la maison. Si vous souhaitez bricoler des boîtes à son, réunissez des contenants identiques et opaques, et de les remplir avec ce que vous trouverez dans vos placards : sel, lentilles, riz, grains de poivre, de maïs, haricots…
Chaque boîte sera conçue en deux exemplaires et vous pourrez coller un autocollant bleu sur la première série et un rouge sur la seconde. L’enfant pourra alors les secouer près de son oreille pour mettre en paire les sons identiques des deux séries. Si Maria Montessori a identifié des séries d’objets spécifiques, choisis pour présenter des différences d’abord flagrantes, puis plus ténues, il ne faudrait pas pour autant se sentir obligé de s’y tenir de manière stricte. A la maison ou en sortie, profitez des opportunités du quotidien pour éveiller les sens des enfants en dehors de ces activités préparées à l’avance.
- Prenez le temps de sentir ensemble les aliments en les achetant, en les cuisinant ou en les mangeant, les épices sur l’étagère, les fleurs dans le parc…
- Proposez des moments de silence où l’on essaie d’entendre les divers petits bruits qui nous échappent d’ordinaire, écoutez des musiques variées, jouez avec les rythmes en frappant des mains…
- Identifiez les saveurs qui composent vos repas, essayez de nouvelles combinaisons qui vous inspirent…
- Le toucher et la vue sont les sens que nous utilisons le plus, mais là aussi vous pouvez suggérer de prêter plus d’attention aux textures des vêtements, à la rugosité des troncs d’arbre, à la température de l’eau du robinet… ou encore, jouer à la chasse aux couleurs lors d’une balade, classer des figurines par ordre de grandeur ou trier des boutons de formes différentes (mais de taille et couleur identiques)…
Plus encore qu’un matériel spécifique, la pédagogie Montessori représente un état d’esprit vis-à-vis de l’enfant et de ses apprentissages. Profitez des multiples occasions qui se présentent à vous de vivre, avec les enfants, une vie sensorielle plus riche !
Stéphanie Boudaille-Lorin, auteure du blog S’Amuser Ensemble, pour Pass Education