La pédagogie Freinet

Célestin Freinet, le parcours du combattant

Né en 1896 en France, Célestin Freinet profite d’une enfance épanouissante parmi une grande famille. Bon élève, il exprime toutefois un regret : l’ennuie qu’il ressent à l’école. Décidé à devenir instituteur, il entame des études après l’obtention du concours d’enseignant. Mais sa formation est écourtée lors du déclenchement de la première guerre mondiale. Freinet participe aux combats en tant que soldat mais subit d’importantes blessures en 1917. En découle des séquelles à un poumon qu’il gardera jusqu’à la fin de sa vie.

Sa carrière d’instituteur débute en 1920 lorsqu’il rejoint le corps enseignant de l’établissement de Bar-sur-Loup. Il y rencontre sa femme, également institutrice, et l’épouse en 1926. Tous deux mutent dans une nouvelle école à Saint-Paul-de-Vence l’année suivante. 

Durant plusieurs années, Freinet entame des recherches et s’interroge au sujet de l’instruction. Il lit les pédagogues de l’éducation nouvelle, comme Rousseau ou Pestalozzi. Il visite des écoles libertaires, communistes et assiste à des congrès, un peu partout en Europe. Il rencontre Ferrière, Ducroly, ainsi que d’autres figures aujourd’hui reconnues pour leurs travaux et avancées dans le domaine de l’enfance. Célestin Freinet enrichit considérablement sa vision de l’école idéale, et commence à appliquer ses propres méthodes au sein de ses classes. Le nombre d’enseignants séduis par les idées de Freinet ne cesse de croitre. Porté par cet élan de soutien, il fonde avec l’aide de sa femme la Coopérative de l’Enseignement Laïc en 1927 (CEL). Des tracts distribués aux instituteurs les encouragent à s’écarter du modèle d’enseignement classique.

Cependant, en 1933, des tensions viennent ternir les projets de Célestin Freinet. Les partisans et opposants à sa cause s’affrontent et plusieurs conflits éclatent. Les faits atteignent l’Assemblée qui décide de censurer le pédagogue. Quant à l’inspection académique, elle lui impose une mutation qu’il refuse. Un arrangement finit par être trouvé entre les deux parties : la mise en arrêt maladie. Freinet ne baisse pas les bras. Il ouvre, toujours accompagné de sa femme, une école privée en 1935 à Vence. Ils y accueillent plusieurs enfants espagnols qui cherchent un refuge alors que la guerre fait rage dans leur pays natal. Un métissage culturel s’installe dans l’établissement. En parallèle, Freinet continue ses conférences dans le but de promouvoir ses idéaux pédagogiques.

En 1940, alors que la seconde guerre mondiale est déclarée depuis 1 an, la France accuse Freinet de propagande Communiste. Celui-ci est contraint à l’internement pendant 18 mois et son école à Vence est fermée. Tandis que l’état de santé de Freinet se dégrade lors de son incarcération, il s’efforce néanmoins à écrire. Il produit alors beaucoup d’œuvres traitant de l’éducation. 

A sa libération, Freinet lance l’Institut Coopératif de l’Ecole Moderne (ICEM) en vue de former des enseignants à ses préceptes. Le mouvement gagne en ampleur. Un film (« l’école buissonnière ») narrant sa vie lui apporte une notoriété auprès du grand public. Célestin Freinet meurt en 1966. Toutefois l’ICEM poursuit encore la volonté de son créateur. 

De nos jours, l’éducation nationale en France reconnaît le mouvement Freinet et emprunte certains de ses principes dans leurs programmes. Les classes coopératives de l’Ecole moderne fonctionnent toujours un peu partout dans le monde. Il est estimé que 5% des élèves scolarisés bénéficient de la pédagogie Freinet.

 

Les écoles Freinet

A l’heure actuelle, une dizaine d’écoles 100% Freinet existeraient en France. Ce chiffre peu encourageant reste à nuancer. En effet, avec l’approbation de l’éducation nationale, des milliers de classes publiques s’inspirent de la pédagogie Freinet. Au niveau des infrastructures, celles-ci adoptent une architecture classique, tout comme les établissements scolaires standards. Il est à noter une différence au niveau du placement des meubles : les bureaux des élèves sont installés par groupes pour encourager le travail d’équipe et les échanges oraux. Concernant les manuels et les ardoises, ils sont supprimés.

 

La pédagogie

Célestin Freinet s’appuie sur six grands axes principaux dans sa pédagogie :

  • Les outils : La toute première action de Freinet fut d’apporter du matériel d’imprimerie dans sa classe. Pour lui, il est primordial que ses élèves ne se soumettent pas aux pensées des autres avec des manuels, mais qu’ils impriment leurs propres textes. Les enfants s’exercent alors sur plusieurs domaines : développer leur esprit critique, créativité, orthographe, recherches… Freinet souhaite multiplier les expériences afin d’encourager ses élèves à s’ouvrir au monde et qu’ils se soucient d’obtenir une bonne culture. Tourner des films, réaliser des enregistrements sonores, participer à des émissions radiophoniques font partie des cours abordés en classe.
  • Travailler avec ses pairs : « Un régime autoritaire à l’école moderne ne saurait être formateur de citoyens démocrates ». Les élèves d’une classe en école Freinet se comportent comme en démocratie. Chaque semaine, une réunion anime le groupe où il est question de décider du futur emploi du temps, du budget, des tâches à se répartir, des souhaits et problèmes à régler etc… L’instituteur, bienveillant, bannit la traditionnelle estrade de l’époque afin de se placer au même niveau que ses élèves. Ainsi, il apprend avec eux. Ces derniers sont libres de dialoguer et de circuler dans la classe. Le travail s’effectue et se corrige en groupe.
  • La correspondance : Dans le but de favoriser la communication, Freinet met en place plusieurs actions : installation d’une boîte à questions pour y déposer ses interrogations sur un travail ou encore y suggérer des envies particulières, installation d’un journal mural pour y inscrire ses soucis puis trouver une solution en communauté, distribution d’un journal scolaire destiné aux parents qui contient la parole de la classe, diffusion d’un bimensuel illustré écrit par les enfants pour les enfants en vue de donner du sens à leurs travaux d’imprimerie. Plus tard, la correspondance avec un élève à l’étranger et les voyages d’échange scolaire viendront compléter toutes ces démarches.
  • L’enfant acteur de son parcours : Les apprentissages ne se réalisent pas uniquement en collectif mais aussi individuellement. C’est l’élève qui se met au travail volontairement et en toute autonomie grâce à des fiches auto-correctrices. 
  • Le tâtonnement expérimental : Avant même de pouvoir s’appuyer sur les neurosciences, Freinet constate déjà que l’enfant apprend mieux lorsqu’il peut, à son rythme, manipuler et expérimenter. L’erreur n’est pas un échec mais simplement un réajustement des données. L’élève progresse en cherchant par lui-même des solutions, quitte à enchaîner plusieurs essais peu concluants avant d’y parvenir.
  • La nature : Des classes-promenades sont instaurées afin de confronter les enfants à la vie en extérieur. Les instituteurs veillent à ce que les élèves puissent discuter avec les personnes rencontrées : ouvriers agricoles, artisans, habitants etc… C’est aussi l’occasion d’observer la nature : cycle des saisons, insectes, éléments… De retour en classe, un compte-rendu des expériences du jour est réalisé. En apprenant dans la réalité du quotidien, la qualité des enseignements augmente.

 

Utiliser la pédagogie Freinet en Instruction En Famille (IEF)

Malgré une méthode pensée pour une vie en communauté, plusieurs points peuvent inspirer les familles qui pratiquent l’école à la maison :

  • Organiser des réunions familiales pour discuter sur un modèle démocratique des sujets importants du quotidien 
  • Proposer aux enfants de coopérer sur les apprentissages, de se corriger les uns et les autres
  • Réaliser un film (avec une caméra, un logiciel de montage, écriture du scénario…)
  • Réaliser un documentaire vidéo (sur un animal, un métier, un lieu…)
  • Fabriquer un livre d’histoire (écrire le texte, trouver des illustrations, imprimer…)
  • Avoir un correspondant (courrier ou mail)
  • Créer un journal de famille (interviewer papi sur sa passion, faire participer chaque personne de la famille, faire un arbre généalogique, trouver des idées de rubriques…)
  • Réaliser un lapbook 
  • Tenir un livre de vie (écrire les évènements vécus, raconter ses connaissances sur un sujet, dessiner…)
  • Devenir photographe (apprendre à manipuler l’appareil, à retoucher les photos, à les développer…)

 

 

Marie, fondatrice du blog m123pommes, pour Pass éducation