Aujourd’hui, je veux témoigner de notre quotidien, et vous expliquer pourquoi il est important de se battre en refusant cette décision du président. Des associations (nationales et locales) de défense des droits de l’instruction se mobilisent pour faire valoir les droits des parents et des enfants, de façon collective et réfléchie, et je soutiens vivement ces associations. Chaque famille qui décide d’instruire ses enfants en famille possède son histoire personnelle, avec une grande diversité de parcours et de motivations. À ce jour, c’est donc en mon nom propre que je vous parle, en tant que femme, mère et Française, issue de la République.
Mon époux et moi-même avons fait le choix d’instruire nos enfants en famille, depuis 8 ans. Alors savoir qu’un projet de loi veut nous enlever ce droit me dérange profondément. J’ai toujours voulu faire l’école à la maison, depuis le jour où j’ai appris l’existence de cette possibilité il y a 20 ans. J’étais adolescente, et j’ai vu un reportage télévisé sur le sujet, diffusé par TF1. J’ai trouvé ça fascinant ! Je n’ai que très peu de souvenirs du reportage, mais une chose est restée gravée en moi : la joie de vivre et la liberté d’apprendre de ces enfants. Je me disais que si un jour, je devenais mère, j’aimerais alors voir grandir mes enfants avec autant de joie.
Bien des années plus tard, nous avons eu notre premier enfant, en 2010. Nous habitions Bordeaux et il existait proche de chez nous une association de parents pratiquant l’instruction en famille. Une réunion était prévue à côté de chez nous, et bien que notre bébé n’était âgé que de 9 mois à ce moment-là, et que la question de la scolarisation n’était pas encore à l’ordre du jour, nous avons décidé d’y assister. Mon mari n’avait pas vraiment d’avis, mais il est ouvert d’esprit et étant lui-même DYS sévère, il a eu une scolarité catastrophique. Il était donc intéressé par connaître le champ des possibles en termes d’apprentissages. Ce fut vraiment une rencontre d’une immense richesse. Il y avait là tous types de familles, de classes sociales et motivations diverses, tous types de pédagogies, des enfants de tous âges, des parcours très variés. Bref, une grande diversité et pourtant des fondements communs : le respect des rythmes, l’envie innée d’apprendre, les joies des découvertes de l’enfant, etc. J’ai particulièrement été touchée par une famille dont l’un des enfants était trisomique. Ils estimaient devoir s’adapter à son rythme, car il était unique, différent… et que finalement leurs autres enfants étaient tout aussi uniques. Je n’oublierai jamais la profondeur et la simplicité de ce témoignage. Unique, oui, chaque enfant est unique. Mon mari et moi-même sommes ressortis enrichis, rassurés et convaincus.
Le temps est passé, notre enfant grandissait et une deuxième petite fille est venue agrandir la famille. Malheureusement, à 3 ans, notre ainée souffrait de retards, de troubles de la communication, et ne parlait pas. Ces épreuves de la vie nous ont poussé encore un peu plus vers l’instruction en famille, cette fois presque plus par nécessité que par idéologie. Dans ce contexte, il était impensable de la scolariser. À ce jour notre fille ainée a 10 ans, elle est dite « atypique ». Après un long parcours médical, elle est reconnue handicapée par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) pour de nombreux fonctionnements neuroatypiques : TDAH, Dysphasie, Dyslexie, Dysorthographie, Dyspraxie, Haut potentiel, Troubles neuro-visuels, etc Nous avons traversé des tempêtes oui, mais l’instruction en famille nous a sauvé, et lui a permis de s’épanouir. C’est notre ressenti, mais ce sont également les mots du personnel médical qui la suit. Elle a un suivi médical assez important, avec 3 rendez-vous hebdomadaires, ce qui est très prenant, mais absolument essentiel. Ces troubles sont très handicapants au quotidien et extrêmement fatiguant, elle a donc également besoin de beaucoup de sommeil. L’ensemble de ces soucis exclut totalement la possibilité de s’épanouir dans un établissement scolaire et d’y suivre une scolarité classique. Elle est incapable de gérer les bruits d’une classe, ne pourrait pas supporter d’être dans une pièce avec autant d’enfants en même temps toute une journée, tout en restant assise à un bureau sans bouger. De plus, il lui faudrait une Accompagnante des élèves en situation de handicap individuelle (AESH-I) à temps complet, ce qui est impossible à obtenir et extrêmement coûteux pour l’Éducation nationale. La pseudo « école inclusive » n’est que poudre aux yeux, dans les faits ça ne fonctionne pas, notamment faute de moyens financiers et humains, toujours plus réduits. Et même si celle-ci étaient plus optimale, elle ne correspond tout simplement pas à notre façon de vivre et à nos besoins.
L’instruction à domicile est donc une forme d’instruction qui lui convient parfaitement depuis 8 ans et lui permet vraiment d’avoir un bon niveau scolaire, attesté chaque année par les inspecteurs académiques. Elle a besoin de 12h de sommeil minimum par nuit, de nombreux rendez-vous médicaux, les cours et l’instruction… elle bénéficie donc d’un planning totalement personnalisé. Depuis toujours, elle est passionnée par le dessin et y consacre plusieurs heures par jour. Son neuro-pédiatre insiste sur le fait de la laisser libre de vaquer à cette occupation autant que nécessaire. Elle a fait de cette activité très envahissante une force, et souhaite sérieusement devenir illustratrice de bande dessinée.
Notre fille ainée étant handicapée, elle rentrerait peut-être dans les exceptions et dérogations pour raisons dites « de santé » pour poursuivre l’école à la maison. Mais qui va en juger et statuer ? Sur quels critères ?! Là encore, je suis dubitative sur la suite des événements avec un possible changement de loi : est-ce que mon enfant sera jugé trop autonome ou pas assez handicapé ou avec le « mauvais » handicap, pour avoir la possibilité de continuer l’instruction en famille ?
C’est donc un choix d’instruction qui s’est donc finalement imposé à nous avec notre première fille étant atypique. Toutefois, après un long cheminement, il nous est apparu évident que chaque enfant étant finalement unique (hé oui !), notre deuxième fille, de bientôt 7 ans, est également instruite en famille depuis toujours.
Elle profite donc elle aussi du droit français d’être instruite à domicile et, est ravie de cette scolarité sur-mesure. Je suis très inquiète pour elle, et leur jeune frère, qui ne pourraient pas prétendre à une dérogation pour raison de santé. Si une nouvelle loi passe, notre fils pourra alors ne jamais connaître et bénéficier de l’instruction en famille. C’est une idée qui est totalement inconcevable pour nous !
La culture, l’art, le sport et la musique, sont des piliers éducatifs fondamentaux de notre famille. C’est pourquoi nos enfants bénéficient de nombreuses infrastructures de notre ville et de l’agglomération, telles que : piscines, médiathèques, ludothèque et squares. Ils participent à diverses manifestations culturelles, et font également des compétitions, des stages, des ateliers, ainsi que de la gymnastique, de la danse, des arts plastiques et de la musique au Conservatoire National, chaque semaine. Nous sommes de toutes les manifestations et de toutes les sorties locales et communales existantes. Les enfants qui font l’école à la maison sont très ouvert d’esprit et ont une vie sociale très riche. Blague à part, je dois toujours limiter le nombre d’enfants invité à la maison, et aux anniversaires tellement nos filles ont d’amis. Et pour les mêmes raisons, nous avons un énorme budget cadeaux d’anniversaires et invitations chez les copines !
Ce choix n’a donc absolument aucun lien avec une religion ou de l’extrémisme. Nous sommes Français, patriotes, et défenseurs de la République, et inculquons ces valeurs fortes au quotidien. Chaque année, nous suivons scrupuleusement les lois en vigueur comme suivre le socle commun (et par choix même les programmes de chaque classe), nous envoyons nos déclarations, nous sommes inspectés, contrôlés… avec des retours très positifs de l’Éducation nationale et de la mairie, avec qui nous avons de très bons rapports. Dans notre commune, nous rencontrons régulièrement les agents municipaux qui nous ont inspecté et bavardons chaque fois que l’occasion se présente.
C’est une terrible injustice que nous, familles qui instruisons à domicile soyons les victimes collatérales des terroristes et des manquements des pouvoirs publics. Si cette loi passe, discriminatoire et anticonstitutionnelle, ma France pourrait-elle encore se prévaloir d’être la patrie des droits de l’Homme ?
Il est donc important de conserver et de préserver ce droit, pour toutes les familles qui le souhaitent, et pour tous les enfants, handicapés ou non ! L’IEF doit rester libre, signons la pétition !
Témoignage anonyme, pour Pass éducation