Cours en Histoire pour la 4ème : L’Europe des Lumières
Le XVIIIe siècle : Expansions, Lumières et révolutions
Problématique : Comment et par qui les esprits « s’éclairent-ils » ?
Sommaire :
Introduction
I. Des idées nouvelles
A. Des philosophes guidés par la Raison
B. Une pensée politique nouvelle
C. Un appel à la tolérance
II. La diffusion des idées
A. Comment les idées circulent-elles ?
B. Des idées qui plaisent aux souverains
C. Des idées qui divisent
Conclusion
Introduction
Au XVIIIe siècle, le modèle politique européen reste dominé par la monarchie. Le XVIIe siècle, appelé Grand Siècle en France, est le siècle de Louis XIV et du triomphe de l’absolutisme.
Absolutisme : Type de monarchie dans laquelle le roi dispose de tous les pouvoirs
Les voisins du royaume de France sont aussi dirigés par un monarque : Angleterre, Espagne, … La société est figée : c’est la société d’ordres.
Société d’ordres : Société fondée sur la séparation entre trois ordres qui sont la noblesse et le clergé (ordres privilégiés) et le Tiers état.
La société d’ordres est une société figée. En effet, il est quasi impossible pour un membre du Tiers état de s’élever socialement et d’accéder à l’ordre noble.
Certains bourgeois très aisés peuvent accéder à un titre de noblesse moyennant finances.
Les ordres privilégiés (noblesse et clergé) ne paient pas d’impôts.
Source : Hgsempai
Cependant, nous avons vu que le XVIIIe siècle était un siècle de grands bouleversements : une prospérité économique inédite fondée sur le commerce colonial, le développement d’une nouvelle élite bourgeoise dans les villes portuaires, la découverte de nouveaux produits… Les grandes découvertes ont permis d’élargir le champ de vision des Européens.
Ainsi, le XVIIIe siècle voit se développer de nouvelles idées et de nouvelles façons de penser le monde. L’ancien modèle de la société d’ordres est remis en question par des savants et des penseurs qu’on appelle des philosophes. Ils souhaitent « éclairer » les esprits, inciter à la réflexion et promouvoir le savoir plutôt que la croyance. C’est pour cela qu’on les appelle « philosophes des Lumières ».
Lumières : Courant de pensée du XVIIIe siècle regroupant des savants et des penseurs qui remettent en question les structures politiques et sociales.
Document : Image de couverture de l’ouvrage Éléments de la philosophie de Newton par Voltaire.
Voltaire est un des philosophes des Lumières les plus célèbres.
Sur cette image de couverture, on le voit assis à sa table de travail. Il semble « éclairé » par une lumière quasi-divine, reflétée par une autre philosophe des Lumières, Emilie du Chatelet (traductrice de Newton).
Source : Wikipédia
Des idées nouvelles
Des philosophes guidés par la Raison
Les philosophes des Lumières sont des penseurs du XVIIIe siècle qui réfléchissent sur la société de leur temps. Ils veulent éclairer leurs contemporains, en utilisant la Raison.
Raison : Capacité à réfléchir par soi-même et à porter un jugement critique sur le monde.
Ainsi, les philosophes des Lumières souhaitent que les Hommes réfléchissent et n’acceptent plus comme acquis les vérités toutes faites de la religion et de l’ordre social. En conséquence, les philosophes critiquent la monarchie absolue et les ordres privilégiés : Noblesse et Clergé.
Document : Lichtenberg et la Raison
« Une des applications les plus étranges que l’homme ait faites de la raison est sans doute celle de considérer comme un chef-d’œuvre le fait de ne pas s’en servir, et, né ainsi avec des ailes, de les couper et de se laisser tomber comme cela du premier clocher venu ».
Georg Christoph Lichtenberg, Schriften und Briefe, Carl Hanser Verlag, Munich, 1968.
Dans ce court extrait, le philosophe des Lumières allemand Lichtenberg critique l’usage de la Raison de ses contemporains. Selon lui, au lieu de se servir de leur capacité à réfléchir, les Hommes se « coupent les ailes ».
Emmanuel Kant, un autre philosophe allemand, résume cette pensée par cette citation :
« Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » (c’est-à-dire, « de ta propre raison »).
Utiliser sa Raison revient donc à remettre en question le dogme religieux et la monarchie. En effet, les monarchies européennes du XVIIIe siècle sont « de droit divin » : le roi ou la reine sont investis par Dieu lui-même.
Les philosophes des Lumières défendent donc la tolérance, la liberté de culte (athéisme compris) et la liberté d’opinion. Pour eux, ils doivent utiliser leur Raison et, pour cela, ils doivent être libre.
Liberté de culte : Liberté de pratiquer la religion de son choix.
Athéisme : Fait de ne pas croire en Dieu.
- Une pensée politique nouvelle
Le XVIIIe siècle s’ouvre en France sur les dernières années du règne de Louis XIV. Ce dernier symbolise encore l’absolutisme (ou monarchie absolue).
Monarchie absolue : Régime politique dans lequel le roi contrôle tous les pouvoirs.
Le roi est alors le « premiers de tous les nobles ». L’absolutisme repose donc également sur la société figée et divisée en trois ordres (clergé, noblesse, Tiers état).
Pour de nombreux philosophes des Lumières, cette organisation politique est un non-sens. En effet, l’homme ne peut être libre et user de sa Raison dans une société figée, qui ne repose que sur la naissance dans un ordre privilégié ou non.
Dans le texte ci-dessous, Voltaire questionne le rôle de l’ordre noble. Il critique leur inutilité pour l’État français : contrairement aux négociants, les nobles ne travaillent pas et n’apportent aucune richesse à la France. De plus, Voltaire moque leurs occupations frivoles, comme savoir « à quelle heure le roi se lève ».
Document : Voltaire critique la noblesse
« En France, un noble méprise souverainement un négociant. Je ne sais pourtant lequel est plus utile à un État : le seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le roi se lève, et qui se donne des airs de grandeur, ou un négociant qui enrichit son pays, donne des ordres au Caire, et contribue au bonheur du monde ».
Voltaire, Lettres philosophiques, 1734
Cette critique de la noblesse est largement partagée dans les milieux des Lumières et les penseurs et écrivains n’hésitent plus à critiquer ouvertement le fait que la société d’ordres est injuste. En effet, le noble n’est riche et puissant que par sa naissance, contrairement au négociant du Tiers état qui doit sa situation à son travail.
On retrouve cette critique dans le théâtre de Beaumarchais, quelques années avant la Révolution.
Document : La noblesse critiquée dans Le mariage de Figaro (1784)
« Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ! »
Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, 1784
Cette remise en question de l’ordre noble entraîne nécessairement une critique plus générale du pouvoir et de celui qui l’exerce : le roi.
Montesquieu, un philosophe français, élabore une théorie politique fondamentale qui régit encore aujourd’hui le fonctionnement des grandes démocraties dans le monde : la séparation des pouvoirs.
Selon Montesquieu, l’État dispose de trois pouvoirs : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.
Document : Les trois pouvoirs de la puissance publique
POUVOIR LÉGISLATIF | POUVOIR EXÉCUTIF | POUVOIR JUDICIAIRE |
Étudie, discute, modifie et vote les lois | Détermine les politiques qui guident l’action de l’État
| Interprète les lois votées par le pouvoir législatif. Juge selon ces lois. |
Pour Montesquieu, il faut nécessairement séparer ces trois pouvoirs, c’est-à-dire les confier à trois personnes ou groupe de personnes différents, sans qu’un pouvoir puisse influencer ou contrôler l’autre.
Document : La séparation des pouvoirs selon Montesquieu
« Il y a dans chaque État trois sortes de pouvoirs : la puissance législative, la puissance exécutrice et la puissance de juger. Lorsque le pouvoir législatif est réuni au pouvoir exécutif, dans la ou les mêmes personnes, il n’y a pas de liberté : on peut craindre que le même monarque ou la même assemblée ne fasse des lois tyranniques pour les appliquer tyranniquement. »
Montesquieu, De l’Esprit des lois, 1784
Montesquieu n’appelle pourtant pas de ses vœux une réelle démocratie, en laissant le peuple voter pour choisir ses représentants. Il prône un modèle qui reste monarchique mais qui ne permet pas au roi de disposer de tous les pouvoirs : une monarchie parlementaire.
Monarchie parlementaire : Régime politique dans lequel le roi partage le pouvoir avec un Parlement.
D’autres philosophes, comme Jean-Jacques Rousseau, sont plus radicaux. Rousseau estime aussi que la loi donnée à une société doit provenir du peuple sur lequel elle sera appliquée. Pour lui, l’État doit être l’expression de la « volonté générale », et non uniquement un roi choisi par Dieu comme c’est le cas dans une monarchie de droit divin à la française.
Document : Rousseau pour un « gouvernement du peuple »
« La volonté générale peut seule diriger les forces de l’État. Le peuple soumis aux lois doit en être l’auteur. La puissance législative appartient au peuple, et ne peut appartenir qu’à lui ».
Rousseau, Du Contrat social, 1762
Un appel à la tolérance
En remettant en question l’ordre social et politique, les philosophes des Lumières demandent l’égalité des droits et veulent la suppression des privilèges. Ainsi, ils défendent la tolérance, notamment religieuse et combattent l’esclavage.
Tolérance : Respect des opinions et des croyances différentes des siennes.
Document : L’Affaire Calas défendue par Voltaire
Jean Calas était un marchand drapier protestant de la ville de Toulouse. Il a été accusé du meurtre de son fils, Marc-Antoine Calas, sur la base de rumeurs et de préjugés compte tenu de sa religion. Il est mort sous la torture du bourreau. Quelques années plus tard, en 1763, Voltaire reprend l’affaire et conclue à l’innocence de Calas. Il rédige son « Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas » et obtient la révision du procès et la réhabilitation de Calas.
Source : Wikipédia
« Ce n’est donc plus aux hommes que je m’adresse ; c’est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les monde et de tous les temps (…).Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi (…). Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères ! »
Voltaire, Traité sur la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas (1763), chapitre XXIII.
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