Être parent IEF n’est pas de tout repos. L’instruction à domicile demande de l’organisation, du temps, et beaucoup de patience. Combien de fois j’ai douté de mes aptitudes de maîtresse improvisée ! Je perds souvent mon calme, puis je relativise. Je me dis que demain, on fera autrement et tout ira mieux. Et le lendemain, c’est encore pire. Je me rends bien compte que les réprimandes ne mènent à rien. Les punitions ne sont pas plus efficaces, ni même les cris. Alors, j’ai essayé de comprendre comment fonctionne cet être mystérieux que l’on appelle “enfant“. Je me suis mise à dévorer tous les livres sur la psychologie enfantine, notamment ceux traitant des neurosciences. Cela a été une véritable révélation, une sérieuse remise en question sur ma façon d’agir. Je ne cache pas que j’y ai versé ma larme. Nos progénitures sont incomprises et reléguées au rang d’individus de seconde zone. On désire qu’ils nous obéissent au doigt et à l’œil sans faire un bruit. Mais c’est complètement contraire à leur nature originelle et à leur élan de vie. Finalement, on se tire nous-même une balle dans le pied. En ne les laissant pas vivre leurs propres expériences de vie, ils finissent par apprendre sans entrain, ni motivation. Tout ça, c’est très bien, mais comment utiliser mes nouvelles connaissances pour améliorer ma posture d’enseignante ?
Quelles sont les principales découvertes des sciences cognitives de l’enfant ?
Les neurosciences rassemblent toutes les sciences relatives à l’anatomie et au fonctionnement du réseau neuronal. Le concept n’est pas nouveau. Par contre, les scientifiques ont commencé à s’intéresser au domaine de l’enfance seulement depuis 1970. On peut dire que les résultats sont déjà impressionnants. Ils risquent fort d’impacter notre position avec ces petits adultes en devenir. En effet, leur construction affective, tout comme leur appétence dans la recherche des savoirs, est directement lié au développement de leur cerveau. À la naissance, le système nerveux est doté d’une centaine de milliards de neurones avec 700 à 1000 connexions par seconde. Il en élaguera une grande partie au fil des années. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce ne sont pas ceux de meilleures qualités qui perdurent. Les synapses préservées correspondent à celles dont la sollicitation a été la plus fréquente. En grandissant, on ne devient pas plus bête, mais on se spécialise. L’absence de stimulation réduit donc inlassablement l’opportunité d’entretenir la richesse de son patrimoine neurologique. On a constaté que le cerveau d’un tout-petit est complètement immature jusqu’à l’âge de 5-6 ans. Il est incapable, structurellement parlant, de gérer ce que l’on peut qualifier de “tempêtes émotionnelles”. Ce que nous prenons souvent pour un caprice est loin d’en être un. C’est l’expression physique d’un véritable désarroi interne auquel il n’arrive pas à faire face seul. Un stress excessif entraîne une réduction du volume de l’hippocampe et une surproduction de cortisol. Ces deux facteurs conjugués sont particulièrement nocifs pour son développement nerveux. La gaine de myéline recouvrant l’axone et chargée de transmettre l’influx nerveux, est interrompue par des nœuds de Ranvier. À long terme, un écolier en carence affective ou sujet à diverses violences, aura des difficultés d’attention et de concentration.
A contrario, la bienveillance permet de faire maturer le cortex préfrontal. Un élève, qui se sent en sécurité et aimé, est en constante recherche d’interactions avec son environnement. Sa puissance de mémorisation est à son maximum et sa flexibilité cognitive optimale.
Quelles sont les bonnes habitudes à adopter au quotidien avec nos élèves ?
Voici quelques pistes pour assister les petits étudiants en herbe dans leurs apprentissages.
La communication bienveillante et les encouragements
Il n’y a rien de plus destructeur pour l’estime de soi que les propos rabaissants. Combien de fois, entend-on : “Tu es bête !“, “Tu n’y arriveras jamais !” ou “Pourquoi ton frère y arrive et pas toi ?“? L’écoute active et l’empathie déclenchent la sécrétion d’ocytocine. Elle-même entraîne la production de dopamines, d’endorphines et de sérotonines, véritable cocktail de bien-être. Le jeune enfant se détend et ouvre son esprit à l’acquisition de nouvelles notions, aisément.
Les jeux et le sport
On ne le dira jamais assez. L’amusement est un besoin vital pour l’enfant. D’autant plus qu’il est à l’origine d’une molécule sécrétée répondant au nom de BDNF (Brain-derived neurotrophic factor). Elle joue un rôle majeur dans la plasticité neuronale et participe à la neurogenèse du cerveau.
Quant au sport, il accélère le rythme cardiaque et augmente le flux sanguin jusqu’au système encéphalique. Le cerveau s’oxygène, développe des cellules cérébrales et améliore ainsi les fonctions cognitives et exécutives. Et, cerise sur le gâteau, vous favorisez son esprit créatif.
Être acteur de son apprentissage
Il y aurait beaucoup à dire sur la relation verticale professeur-élève. Qu’y a-t-il de pire qu’un cours magistrale soporifique sans réciprocité ?
Un étudiant passif n’apprend pas, ou très peu. Pour favoriser son attention, il faut que son instruction soit en lien avec sa propre réalité. Elle doit avoir du sens pour lui. Apprenez à lâcher prise. Il s’intéresse à un domaine en particulier ? Complétez ses loisirs avec des livres, des jeux, des vidéos, des ateliers, etc. Faites-lui confiance. Multipliez les sorties en extérieur, activez ses sens et laissez-le s’enrichir de rencontres diverses.
Faire des erreurs
Ne considérez jamais les erreurs comme un échec. Au contraire, elles doivent motiver sa détermination et sa capacité à rebondir. Bannissez le stylo rouge et les notations démotivantes. Elles ne mettent l’accent que sur les failles, et non les réussites. La concurrence n’a plus sa place dans la salle de classe. Elle est remplacée par l’altruisme et la satisfaction personnelle d’un travail abouti sans oppression, à son propre rythme.
La répétition
Des chercheurs ont démontré que 90 % de ce que l’on apprend, se perd au bout de 30 jours. Revenir régulièrement sur les thèmes abordés permet d’encrer définitivement les savoirs. Souvent, je revois une notion plusieurs fois dans la semaine. Puis, une semaine ou deux plus tard, je fais une petite piqûre de rappel. Et une autre, 1 ou 2 mois après.
Le ministre de l’éducation Jean-Michel Blanquer a pris conscience de l’importance de ces découvertes. Il a annoncé la création d’un conseil scientifique présidé par le célèbre psychologue cognitif Stanislas Dehaene. Les méthodes d’enseignement et les programmes scolaires devraient s’adapter à la maturité cérébrale de l’enfant.
Pour approfondir le sujet, je vous conseille absolument la lecture des ouvrages suivants :
- Isabelle Filliozat, Au coeur des émotions de l’enfant.
- Faber et Mazlish, Parler pour que les enfants écoutent, écouter pour que les enfants parlent.
- Catherine Guegeun, Heureux d’apprendre à l’école: Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation.
- Marshall Rosenberg, Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs).
- Céline Alvarez, Les Lois naturelles de l’enfant.
- André Stern, Et je ne suis jamais allé à l’école.
Kelly Cheppih, maman IEF et rédactrice Web, pour Pass éducation