Accueillir en classe des enfants étrangers dans un contexte de guerre
L’actualité récente amène des professeurs à recevoir de nouveaux élèves. Des enfants étrangers qui se réfugient en France, car leur pays est à feu et à sang. Vous êtes dans cette situation ? Vous ne vous sentez pas prêt à accomplir cette tâche ? Cet article se propose de vous informer sur les particularités de ces élèves et leurs besoins. Car, oui, enseigner à des élèves étrangers de retour de zone de guerre est une lourde responsabilité.
Se préparer à recevoir des enfants exilés de zone de conflits
Spécificités d’un élève venant d’un territoire en guerre
Comme les autres enfants de votre classe, les élèves étrangers que vous allez accueillir ont leur propre personnalité et singularité. Avant l’entrée en guerre de leur pays, ils allaient à l’école, avaient des compétences et des points faibles. Pour certains, ils souffraient de troubles dys ou d’hyperactivité. Des enfants lambdas, donc. Et puis, leur vie a basculé. On pense tous aux traumatismes liés aux violences du conflit. Nous reviendrons sur ces chocs dans un second temps. Car l’existence de ces jeunes a connu un bouleversement total que l’on a tendance à oublier. Ils ont arrêté de fréquenter leurs établissements scolaires. Leurs parents ont cessé le travail. La routine familiale à laquelle ils étaient habitués a disparu du jour au lendemain. Il faut s’imaginer à quel point cette désorganisation doit être perturbante. En plus, ce sont des enfants soumis à un très grand stress. Ils s’inquiètent pour leur famille, leurs amis. Certains sont arrivés en France sans leur père, resté pour se battre. Ils sont séparés de lui et le savent en danger de mort. D’autres sont ici sans leurs deux parents. D’autres encore ont perdu un ou plusieurs membres de leur famille. Leur univers est bouleversé. Ces enfants ont perdu leurs repères. Ils ne savent plus sur qui s’appuyer, ni en qui avoir confiance. Enfin, l’arrivée en France est par essence un événement stressant. Les élèves que vous allez recevoir dans votre classe ne maîtrisent pas notre langue. Ils ignorent aussi la culture et les codes de notre pays. Quoi de plus brutal ? Bref, enseigner à ces élèves étrangers, c’est être conscient des bouleversements psychiques qu’ils ont vécus.
Définition des troubles post-traumatiques
Si les enfants venant d’un pays en guerre connaissent des situations très diverses, la plupart d’entre eux ont vécu des événements traumatogènes. C’est-à-dire des événements qui sont susceptibles de causer un traumatisme. Il s’agit de ceux au cours desquels le sujet, ou bien d’autres personnes de son entourage, ont pu être menacés de mort, trouver la mort, subir des blessures graves ou des violences sexuelles.
Tous les individus ne réagissent pas de la même manière à ce genre de scènes. Voici les symptômes que l’on observe juste après l’événement :
- La reviviscence. C’est le fait de revivre une scène traumatique. L’enfant a alors la sensation de replonger dans l’événement : les odeurs, les bruits, les lieux, tout est là. Et la détresse qu’il ressent est aussi forte que celle éprouvée le jour J.
- L’évitement. Le jeune se soustrait à tout ce qui pourrait lui faire revivre ou repenser à l’événement. Il peut donc éviter des lieux, des personnes et même des émotions. Ainsi, si le traumatisme a eu lieu alors qu’il était heureux, il peut désormais s’interdire de l’être.
- L’état d’hyper alerte. L’enfant est en permanence sur le qui-vive. Cela se manifeste par des sursauts ou une incapacité à trouver le sommeil.
- Les symptômes émotionnels et cognitifs. L’élève éprouve des sentiments négatifs : tristesse, rage, honte, culpabilité, etc. Il est sujet à des pertes de mémoire.
Ces symptômes caractérisent un stress aigu. Chez beaucoup d’enfants, ils disparaissent après quelques semaines. S’ils perdurent plus d’un mois et que les quatre catégories apparaissent, on parle de trouble post-traumatique.
Connaître leurs besoins pour enseigner à des élèves étrangers fuyant un pays en guerre
Être accueilli comme n’importe quel autre élève
Vous allez accueillir dans votre classe des enfants qui fuient leur pays en guerre ? Voici les bonnes attitudes à adopter :
- Gardez votre place de professeur. Vous êtes tenté de jouer les psychologues avec votre nouvel élève ? Ce n’est pas votre rôle. Ce n’est pas non plus ce dont cet enfant a besoin.
- Évitez les réactions débordantes. Vous savez que l’empathie est une compétence essentielle dans l’enseignement. L’écueil serait de manifester trop de sympathie envers votre nouvel élève. Ou bien de chercher à « réparer » sa situation.
- Accueillez ce nouvel élève comme vous accueillez tous les autres : avec bienveillance et attention.
Retrouver un cadre routinier et stable
Tout ce dont ont besoin les enfants réfugiés, c’est d’un cadre sécurisant. Ils ont besoin de retrouver des routines. Il leur faut une stabilité. Par définition, l’école est l’institution la plus à même de leur apporter tout cela. Retourner en cours, être encadré par un enseignant bienveillant qui pose des limites s’avère salvateur pour certains enfants.
Oui, il y aura probablement des moments difficiles. Il faudra alors savoir accompagner ces instants de crise émotionnelle. Non, votre formation ne vous a pas appris cela. L’idéal sera d’avoir une tierce personne qui pourra sortir de la classe avec l’élève, le sécuriser, l’aider à se calmer. Comment ? En lui proposant de marcher, de pétrir des balles, de pratiquer des exercices de respiration, par exemple.
Les enfants ayant vécu un traumatisme croient bien souvent qu’en parler risque de tout détruire. Donc, lors d’une crise émotionnelle, l’enfant sera rassuré de constater que :
- Les adultes accueille et accompagne ce moment de crise.
- La crise n’est pas à l’origine d’une désorganisation totale : la classe continue.
- Le retour en classe est possible.
Être entouré par une équipe de spécialistes
Parfois, le milieu scolaire sera révélateur de troubles chez l’enfant :
- Une très grande fatigue attirera votre attention. L’enfant serait-il en état d’hyper alerte ?
- Des difficultés cognitives ou d’apprentissage vous mettront la puce à l’oreille. L’élève serait-il parasité par des contenus traumatiques ? Ferait-il partie des élèves à besoins particuliers ?
Soyez vigilant à tout, sans oublier que vous n’êtes pas un superhéros.
Si vous enseignez dans le premier degré, appuyez-vous sur l’équipe du pôle ressources de la circonscription (PsyEN, médecin scolaire, CPC).
Vous êtes professeur au collège ou au lycée ? En lien avec le chef d’établissement, travaillez avec l’assistante sociale, l’infirmière, les CPE, le professeur principal, le psyEN. L’enfant doit savoir que ces personnels sont spécialisés et peuvent répondre à ses demandes.
Prendre place au sein d’un groupe bienveillant
L’arrivée de l’élève doit être préparée, car c’est un moment chargé d’enjeux. Elle symbolise la reprise d’une vie structurante. L’enfant va être accueilli dans un groupe et par un groupe.
Afin que cela se passe au mieux, vous devez :
- Évaluer le niveau de connaissance du conflit qu’ont vos élèves. Certains n’en auront pas entendu parler, d’autres en auront une vision partielle ou erronée. Les derniers seront surinformés, auront vu des images violentes.
- Amener ses futurs camarades à faire preuve d’empathie envers votre nouvel élève. À imaginer comment se sent cet enfant du même âge qu’eux.
Vos collègues mèneront, eux aussi, un travail afin de préparer les élèves des autres classes. Et puis, l’arrivée d’un élève en exil fait l’objet d’un travail au sein de l’équipe enseignante. Comme ses camarades français, l’enfant doit se sentir entouré d’adultes concernés par son éducation.
Nous espérons que cet article vous aura permis d’aborder avec sérénité ce moment de votre carrière d’enseignant. Sachez que le site éduscol met à votre disposition des ressources et un parcours magistère.
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