Élargir la porte d’entrée de notre mémoire, par Stéphanie Mazza | Résumé de conférence

Résumé de conférence TEDxClermont – 2017

Stéphanie Mazza et ses recherches sur la mémoire

Stéphanie Mazza est professeure des universités à Lyon. Elle est enseignante-chercheuse et travaille au laboratoire d’étude des mécanismes cognitifs. Directrice de recherche, elle gère de nombreux projets en neurosciences et neuropsychologie ayant pour thèmes majeurs le sommeil et la mémoire. Elle étudie le lien entre le sommeil et les mécanismes cognitifs, elle cherche à comprendre l’impact de la qualité du sommeil sur la mémoire et par conséquent sur les apprentissages. Dans cette conférence Tedx enregistrée dans l’opéra-théâtre de Clermont-Ferrand en 2017, Stéphanie Mazza développe surtout le mode de fonctionnement de la mémoire à partir d’exercices simples effectués par le public ; un auditoire qui n’a droit de prendre aucune note bien évidemment ! Son ambition est de réconcilier les spectateurs avec leur propre mémoire.

 

Le fonctionnement de la mémoire à court terme

Notre conférencière s’appuie sur des vérités générales pour débuter son exposé. Elle constate que nous sommes tous inquiets pour nos oublis du quotidien. Nous souhaiterions tous avoir une « mémoire d’éléphant » et pouvoir retenir toutes les dates de nos agendas personnels et professionnels, toutes les dates d’anniversaire ou notre liste de courses. Or, ce n’est pas le cas et, pour seconder notre mémoire défaillante, nous faisons de plus en plus appel à des moyens technologiques performants comme les agendas électroniques avec rappels sur smartphone, car ces appareils gardent tout en mémoire. Plus aucun risque d’oubli ! Mais si nous oublions, c’est que notre cerveau en a besoin, c’est nécessaire et naturel. Le premier exercice proposé par Stéphanie Mazza consiste en retenir et répéter une liste de plusieurs chiffres. La difficulté apparaît au fur et à mesure que les listes à retenir s’allongent. Ainsi, elle nous prouve très vite que notre mémoire à court terme ne retient en général que peu d’informations, sept en moyenne. La suite de huit chiffres avait effectivement donné du fil à retordre aux spectateurs qui l’auraient retenue bien plus facilement si on leur avait annoncé qu’il s’agissait d’une date, car le cerveau aurait alors enregistré simplement trois informations. Quelques minutes après cette première démonstration, elle demande au public de redonner la première série de quatre chiffres qu’elle avait révélée quelques minutes auparavant, mais une seule personne est capable de la répéter ! En effet, notre mémoire à court terme, en plus de ne retenir qu’une quantité limitée de données, s’efface inévitablement en quelques secondes. Mais, Stéphanie Mazza nous précise que, si elle avait pris le temps d’indiquer que cette fameuse suite de quatre chiffres était un code pour obtenir une réduction d’impôts, alors tout le monde l’aurait mémorisée ! Pourquoi ? Parce que, pour retenir une information, pour la garder dans notre mémoire, il faut porter son attention sur elle. Le cerveau efface ce qu’il considère comme superflu, inutile.

 

La mémoire à long terme

Pour garder les informations en mémoire, il faut donc produire un effort cognitif. C’est ce qu’on appelle l’encodage à long terme. Cette mémoire à long terme est illimitée en durée et en quantité de stockage. Elle retient une multitude de données, des sons, des idées, des images, des odeurs, des lieux… Aucun téléphone ne peut stocker autant d’éléments. Comment travailler cette mémoire à long terme ? Selon Stéphanie Mazza, il faut porter notre attention sur ce que nous souhaitons retenir, c’est la base de l’encodage. Elle propose alors plusieurs exercices. Elle invite les spectateurs à contempler le plafond du théâtre, en décrit les éléments en ajoutant le récit d’une histoire et utilise un moyen mnémotechnique pour faire retenir le nom du peintre à son auditoire. Elle s’en tient là sans donner de consignes supplémentaires puis propose une autre activité basée sur le jeu du bonneteau. Elle encourage le public à retrouver le gobelet sous lequel se situe la pièce dans une vidéo de ce jeu passée au ralenti. Elle précise qu’en étant très attentif, il est tout-à-fait possible de déjouer le tour. Et effectivement, le public n’a pas eu de mal à trouver le bon résultat. Mais, en attirant notre attention sur ce problème particulier à résoudre, la majorité des spectateurs a été dupe d’une supercherie. Elle démontre ainsi que le cerveau ne peut porter son attention que sur une seule chose à la fois, qu’il n’est pas multitâche. En quatrième exercice, Stéphanie Mazza donne à mémoriser douze mots. Chaque spectateur aura très vite remarqué que ces données ont toutes un rapport avec l’eau. Mais elle ne donne pas de consigne et continue son exposé. Même encodées à long terme, les données peuvent encore s’effacer. Si nous souhaitons les conserver, il faut donc les consolider, répéter, réviser, encoder à plusieurs reprises. C’est à ce moment là que la question du sommeil entre en jeu. Il est en effet un élément essentiel à cette consolidation. Les neurosciences ont prouvé que le cerveau réactive ce que l’on a appris pendant que l’on dort. Il trie et range ce qui doit être conservé et efface le superflu. C’est donc un moment où on apprend sans efforts. La recherche a mis en évidence qu’il était efficace d’intercaler du sommeil entre des sessions d’apprentissages. Donc, s’il est bon de réviser le soir avant de se coucher, il est encore meilleur de relire aussi ses leçons le matin au lever pour s’en rappeler plus longtemps. Le sommeil permet donc d’apprendre plus vite et de retenir plus, sur une plus grande période. La récupération des informations se fait aussi beaucoup plus facilement après une bonne nuit de sommeil.

Pour finir, l’intervenante revient sur les exercices laissés en suspens. Elle interroge alors les spectateurs sur le plafond du théâtre, dont les informations ont été plutôt bien retenues, et sur les douze mots qu’ils devaient mémoriser. L’interrogation comporte un piège. La plupart des participants ne se rappellent pas des douze mots mais ont retenu le thème commun, l’eau. Il suffisait donc que Stéphanie Mazza inclût dans son interrogation un mot en rapport avec le thème, mais absent dans sa liste, pour piéger la majorité des spectateurs ! Ainsi, elle nous démontre que la mémoire n’est pas une représentation fidèle de la réalité mais une reconstitution de notre cerveau. Un souvenir est une interprétation qui se fait en  fonction de nos émotions, de nos connaissances, de notre désir de nous rappeler. Le souvenir d’un moment partagé à plusieurs restera singulier, propre à chacun des participants. Stéphanie Mazza conclut que la mémoire est l’ensemble des moments qu’on a su saisir. Selon elle, il faut prendre le temps de faire attention à ce que l’on est en train de vivre pour laisser une chance à ces instants d’intégrer notre mémoire puis, bien évidemment, il ne faut pas oublier de dormir ! Pour aller plus loin et bien comprendre la relation entre le sommeil et les apprentissages, je vous invite à lire cet article de Stéphanie Mazza, « dormir pour apprendre », paru dans le n°527 des Cahiers pédagogiques en décembre 2018. Vous y trouverez des pistes pour favoriser une bonne qualité de sommeil et ainsi faciliter les apprentissages de vos enfants.

 

 

Carine Poirier, auteure et cofondatrice de www.parenthesenomade.fr, pour Pass Education.