Nous vivons une époque difficile. La crise actuelle est hors de contrôle. C’est avec tristesse et résignation que je déclare la fin de l’école telle que nous l’avons toujours connue. Cette décision prendra effet dès la rentrée 2021.
Un silence de plomb succède à l’allocution du président de la République. Macron baisse la tête, dépité. Ce n’est pas mieux du côté du ministre de l’Éducation qui peine à cacher la lividité de son visage. La nouvelle est à peine croyable, à la limite d’un mauvais remake du canular radiophonique d’Orson Walles.
Dystopie
Et pourtant, nous y voilà. Le système éducatif français a poussé son dernier souffle, après des années d’agonie :
- Manque cruel de moyens financiers et de personnel ;
- Pédagogies exclusives ;
- Programmes inadaptés et surchargés ;
- Élèves complètement démotivés ;
- Ascenseur social en panne ;
- Multiplication des cas de harcèlements, violences et phobies scolaires ;
- Et la goutte d’eau qui a fait déborder un vase déjà bien rempli : le terrorisme.
Ces criminels sanguinaires ont fait leurs armes au sein des établissements français. La politique laxiste du gouvernement a péché par orgueil en ne voulant pas admettre ses défaillances. Les graines d’une vindicte populaire étaient prêtes à germer. Il était temps de défraîchir ce terreau propice à la croissance des idéaux extrémistes et couper le mal dès la racine.
Nous avons décimé l’élan de vie et d’apprentissage des enfants durant des décennies. Nous avons ensemencé l’apartheid culturel et cultuel au lieu d’encourager le vivre-ensemble en bonne intelligence. La méfiance et la défiance se sont enracinées dans les quartiers populaires. Pour ne rien arranger, la bureaucratie a pris des décisions déshumanisées et déconnectées de la réalité. Nous étions devenus une usine à meurtriers, des pompiers pyromanes.
Désormais, l’état exhorte les familles à instruire leur progéniture. La seule option envisageable sera l’école dite « alternative », celle-là même qui a toujours proposé des pédagogies bienveillantes.
Vous trouvez cela absurde ? Je vous rassure, moi aussi. Bien sûr, ce récit est fictif. Pourtant, les politiques ont abusé de la même analogie bancale pour pouvoir interdire l’IEF.
Fake news et préjugés
Selon la légende, des familles unschoolers vivraient en marge de la société. Parmi elles, certaines exerceraient une pression dogmatique dangereuse sur de jeunes esprits fragiles. Ces petits êtres seraient voués à agrandir les rangs des djihadistes, une fois adultes. Nous avons développé une sorte de psychose paranoïaque qui assimilerait un parcours scolaire atypique à un haut risque de dérives sécuritaires. Aucune enquête chiffrée ne démontre la véracité de ces suppositions. C’est sans doute la raison qui a motivé le changement de titre de « loi contre le séparatisme » pour devenir une « réaffirmation des valeurs de la république ». Mais, ce n’est pas à coup de salut au drapeau, de Marseillaise et de roman national utopique que nous allons créer de parfaits patriotes. Au mieux, ils y seront forcés, bon gré, mal gré. Au pire, ils éprouveront de l’aversion et de l’écœurement pour une croyance imposée. Quand j’écoute dans les médias, le fantasme autour de l’IEF, je ne m’y reconnais pas. Et lorsque je dis « je », j’entends « nous ». Les associations et groupes homeschoolers sont abasourdis, en état de choc. Le couperet est tombé, sans même édicter une lettre de cachet.
Éduquer ses enfants est un choix de vie hors cadre, j’en conviens. Pour autant, il suffit de se pencher, un tant soit peu, sur notre quotidien pour comprendre nos motivations.
- J’applique la communication bienveillante et l’écoute active sans VEO (Violences Éducatives Ordinaires) ;
- Je favorise la réflexion à l’aide de la maïeutique, bien loin d’un rapport de verticalité professeur/élève ;
- Ils sont libres de leurs mouvements et peuvent sortir et bouger comme bon leur semble ;
- Ils avancent à leur rythme, sans pression, compétition ou notation ;
- Ils peuvent s’arrêter sur des thématiques qui n’appartiennent pas au programme scolaire, ce qui développe leur curiosité et leur créativité ;
- Ils se familiarisent avec des notions qui font corps avec le réel ;
- Les expériences de vie et d’entraides communes renforcent les liens fraternels ;
- Nous privilégions la manipulation didactique et les visites pédagogiques aux cours magistraux ;
- Nous pouvons voyager hors-saison avec tous les avantages qui s’y rattachent.
Protéger les élèves de la COVID
J’ai choisi, en mon âme et conscience, ce mode d’instruction du haut de mes 19 ans, avant même de devenir mère. Aujourd’hui, notre foyer vit au rythme de l’IEF. Ma profession de rédactrice web se nourrit de cette expérience. Nous cohabitons dans une parfaite symbiose. Alors, pourquoi l’étau se resserre-t-il toujours plus autour de l’école à la maison ? Nous étions déjà sous liberté surveillée. Ce Vendredi noir a signé l’arrêt de mort de nos libertés individuelles. Pire encore, il a peut-être sonné de glas d’une enfance insouciante. Au beau milieu d’une pandémie mondiale, il est invraisemblable de mettre une telle loi sur table des négociations. Nous, familles IEF, désengorgeons les salles de classe surchargées et nous ne coûtons pas un kopeck au contribuable français. Les mesures sanitaires sont aléatoires, les masques étouffent les élèves dès 6 ans. Et c’est dans ce contexte particulier et anxiogène que l’on veut nous arracher la prunelle de nos yeux ! Et dans quel but ? Les mettre dans un système archaïque qui ne leur conviendra sûrement pas ? Toutes les formes d’intelligence n’adhèreront pas au moule de l’institution traditionnelle. Quelles solutions leur seront apportées en cas d’échec cuisant ? Allons-nous les considérer comme les dommages collatéraux d’une bataille qui ne dit pas son nom ? Il ne s’agit plus de frappes chirurgicales, mais bien d’une pêche au gros. C’est comme si toute une classe était punie à cause de quelques élèves non inscrits dans la même école. C’est surréaliste, tout autant que cette célèbre farce de la « Guerre des mondes », sombre présage.
Kelly Cheppih, maman IEF et rédactrice Web, pour Pass éducation