Interview de Ana : 4 enfants en IEF. Romain 14 ans, Thomas 11 ans, Bastien 7 ans et demi, et Léna 4 ans sont déscolarisés depuis environ 3 ans. Leur maman Ana est en charge de leur instruction. Son mari travaillant en horaires décalées, il n’est pas toujours présent le week-end et les jours fériés. Quand il est en repos sur la semaine, il prend ce temps pour lui.
Pourquoi avoir choisi l’IEF ?
Romain est un enfant atypique, diagnostiqué HP (Haut Potentiel) et trouble dyslexique. Il souffre à l’école, a des difficultés à lire et à écrire. Malgré tout, les instituteurs ne voient pas de problème. Même lorsqu’il fait une tentative de suicide, le personnel scolaire minimise. Ana veut sauver son fils. Elle le déscolarise d’urgence, pensant trouver une solution avec une autre école. Mais la rescolarisation ne se fait pas, Romain est instruit en famille. Ses 3 frères et sœur sont également déscolarisés dans la foulée, car ils fréquentent la même école. Les 3 garçons sont HP, Léna peut-être également.
Comment se déroule l’instruction ?
Un mélange de formel et d’informel. Les méthodes sont différentes et adaptées à chacun. Les matinées sont dédiées aux mathématiques et au français, les après-midi aux sorties diverses ou documentaires à la maison. L’aîné suit des cours par correspondance depuis l’année dernière. Ana choisit de déléguer pour se concentrer sur les apprentissages de Bastien : la lecture et l’écriture. Ils tiennent compte de l’humeur et des envies de chacun, et aussi du temps extérieur… Certains jours la motivation est absente, alors Ana adapte : moins de formel et plus de détente. Ils travaillent 4 à 5 semaines d’affilées puis prennent une semaine de vacances.
« J’en apprends tous les jours, les instruire c’est du bonheur »
Que permet l’IEF ? Quelles sont les aspects positifs de la déscolarisation ?
Ce qui importe le plus à Ana est de suivre le rythme de chacun de ses enfants. Ils sont très différents les uns des autres. Par exemple, l’un dort peu, les autres plus. Elle tient à respecter ce rythme de sommeil. Elle apprend à mieux connaître ses enfants, ce qui facilite le respect de leurs besoins et de leurs différences. Les enfants assument également mieux leurs particularités. Ana s’aperçoit qu’elle n’a pas besoin de forcer ses enfants dans leurs apprentissages. Elle lâche prise, relativise, profite de la vie. Elle ne s’autorise plus à leur demander des choses sous couvert de son statut de mère. Elle arrête également de s’imposer des choses à elle-même. L’IEF leur permet de partir en vacances hors périodes de congés scolaires. Ils profitent de tarifs avantageux et de tranquillité sur leurs lieux de séjours.
Les enfants participent-ils à des activités extérieures à la famille ?
Romain s’exerce au tir à l’arc 10 heures par semaine, Thomas pratique le judo, Bastien et Léna le handball. Léna participe également à des ateliers Montessori 2 fois par semaine.
Quels sont les aspects négatifs de ce mode de vie ?
Ana n’observe pas vraiment de point négatif, mais avoue qu’il est parfois fatiguant d’être 24h/24 avec ses enfants. Elle aimerait trouver plus de temps pour elle. Cependant elle n’envisage aucunement de revenir en arrière car ses enfants sont super épanouis et bien dans leur peau. Ils ont une meilleure estime d’eux-mêmes.
Quelle est la réaction de votre entourage ?
Leurs amis et famille se montrent compréhensifs, ils apportent du soutien, respectent leur choix, approuvent leur décision pour certains. Ana et son mari répondent à leurs questions au fur et à mesure. Leur entourage est cependant préoccupé par un possible manque de sociabilité. Mais au final c’est le contraire qui se produit : les enfants sont plus ouverts aux autres. Auparavant ils pouvaient être violents physiquement et verbalement. Ces comportements ont disparu.
Comment se passent les inspections ?
La 1ère inspection est compliquée, les autres se déroulent beaucoup mieux avec des inspecteurs ouverts, à l’écoute, compréhensifs vis avis du choix de déscolariser.
Ana et son mari jouent le jeu, réservent un bon accueil aux inspecteurs afin de leur faciliter la tâche. Ils pensent l’inspection nécessaire pour les familles IEF car sont conscients des dérives possibles. Ces contrôles leur permettent également de se remettre en question sur certains points. Cependant, être jugés sur leur façon d’éduquer leurs enfants n’est pas toujours facile à recevoir.
Pour Romain, le contrôle a eu lieu fin mars. L’inspecteur s’est montré respectueux des lois et de l’enfant. Les parents ont également apprécié les connaissances en matière de troubles dyslexiques de la conseillère pédagogique qui l’accompagnait. La famille n’appréhende plus les inspections.
Comment s’est passée votre propre scolarité ?
Bonne élève, Ana rentrait dans le moule. Elle a eu son bac avec mention, puis a fait un BTS de comptabilité en apprentissage. Malgré cette belle image, « l’école était un enfer » : Ana était en décalage avec les autres enfants, et en souffrance socialement. Elle a voulu arrêter rapidement ses études. Lorsque ses enfants sont diagnostiqués HP, Ana se reconnaît, elle a l’impression que l’on parle d’elle. Elle passe donc également les tests et obtient les mêmes résultats que ses enfants. A ce moment, la lumière se fait sur les raisons de sa souffrance scolaire.
Avez-vous des conseils à donner à des familles désirant se lancer dans l’aventure de l’IEF ?
- Bien lire les lois pour savoir quels sont ses droits. Rien n’est irréversible, mais il y a des conséquences.
- Visionner le film “Etre et devenir”, regarder des blogs. L’image de l’IEF peut être super, mais se renseigner aussi sur les autres aspects, les inspections…
- S’assurer de l’adhésion des enfants
Dans le cas de Ana, pour les plus grands la décision finale leur est revenue. L’école est dure mais les enfants peuvent y trouver des amis. Ana ne voulait pas les priver de cette amitié scolaire. Le oui pour l’IEF a malgré tout été unanime.
- Trouver du temps pour soi. L’IEF est chronophage, fatiguant et difficile la première année surtout.
- Savoir s’écouter, ne pas insister si l’envie n’est pas présente.
Quelques mots pour évoquer votre IEF ?
« Liberté ». Ce terme correspond bien à Ana qui apprécie cette façon de vivre hors du moule. « Respect et tolérance » des membres de la famille les uns envers les autres, qui amène à une tolérance à l’extérieur. Les enfants sont plus enclins à l’empathie, s’entendent avec des personnes de tous âges.
Un grand merci à Ana pour le temps qu’elle m’a accordé, et pour son partage dont pourront bénéficier de nombreuses familles en recherche d’informations.
Florence P, pour Pass éducation