L’ennui de l’enfant

Quel parent n’a pas entendu « j’m’ennuiiiie !!! » de la part de son enfant ou l’a vu errer, désœuvré, dans les pièces de la maison ? Cette plainte ou l’observation de ce comportement peut susciter en nous plusieurs sentiments : inquiétude, culpabilité, agacement… en tout cas, il faut agir ! C’est souvent notre première réaction : proposer quelque chose pour que l’ennui cesse et que ce vide (apparent) soit comblé.

Pour le parent qui accompagne son enfant en IEF, l’inquiétude liée à l’ennui de l’enfant peut résonner encore plus fortement et être plus culpabilisante car il a en charge l’instruction de son enfant et une part encore plus grande dans la responsabilité de son bon développement…et passant davantage de temps avec son enfant, il y est aussi davantage confronté !

C’est donc un sujet incontournable qui nous interroge sur les activités,le cadre que nous pouvons proposer à l’enfant et la question de son autonomie.

L’ennui de l’enfant peut être provoqué par le désœuvrement, le manque d’intérêt pour une activité ou un sujet ou la monotonie.

Dans nos sociétés obsédées par le faire et l’agir, la question de l’inactivité ou du désœuvrement est généralement vue de façon négative, c’est souvent assimilé à une perte de temps dommageable pour le développement et l’épanouissement de notre enfant. Le manque d’intérêt pour une activité et la monotonie que peut ressentir l’enfant peuvent nous renvoyer à notre incapacité à lui proposer une activité attractive, ce qui est particulièrement sensible lorsque cela s’adresse à nous,parents non-experts et non-professionnels de l’éducation.

Dès lors, l’ennui est souvent condamné et un sentiment auquel nous nous sentons tenus d’y mettre fin le plus vite possible.

Pourtant, la plupart des experts s’accordent à dire que l’ennui de l’enfant est naturel et bon pour le développement de son imagination, de son autonomie et l’opposent à un enfant surmené et fatigué, victime d’un emploi du temps surchargé, qui court sans souffler d’une activité à l’autre.

Mais est-ce si simple ?

Y aurait-il un « dosage parfait » pour proposer des activités attractives et épanouissantes mais pas trop, pour laisser du temps et de l’espace à l’enfant pour s’ennuyer et développer son propre espace dans lequel il va pouvoir déployer son imaginaire ?

Comment faut-il réagir lorsque l’on constate que son enfant s’ennuie ou qu’il s’en plaint ? Les adultes se sentent souvent en charge d’un « devoir d’occuper » l’enfant pour lui permettre,à travers ses activités, de développer ses connaissances,d’apprendre, d’expérimenter dans le but d’un développement optimal et de son épanouissement. Lorsque l’enfant verbalise un sentiment d’ennui, le fameux : « j’m’ennuie !!! », l’adulte entend souvent :« fais quelque chose pour que ce sentiment pénible cesse ! »

Or derrière ce type de déclaration peut se cacher d’autres choses qu’il peut être intéressant d’explorer : le besoin de proximité avec le parent, la fatigue, le besoin de contact avec d’autres enfants, l’envie de changer d’activité,voire le dépit de ne pas réussir à réaliser quelque chose…bref, il peut être utile et intéressant de laisser s’exprimer l’enfant sur son sentiment d’ennui avant de conclure immédiatement que la solution est de remplir un vide avec une nouvelle activité que nous allons lui proposer.

Vouloir absolument que l’enfant ait un continuum d’activités et ne présente pas de signe d’ennui n’est pas forcément le plus souhaitable,tout comme le laisser sans rien faire non plus. Mais,précision importante,il ne faut pas assimiler inactivité = ennui et activité = épanouissement. Tout dépend du contexte et du besoin de l’enfant, ainsi l’inactivité peut-être propice au développement de son imaginaire et une phase nécessaire à l’émergence d’une future activité et l’activité peut être subie ou vide de sens.

Ce qui prime au final c’est que la question de l’activité de l’enfant soit l’occasion de développer son autonomie. Et le développement de son autonomie va passer par le développement d’une motivation intrinsèque. Dans le système éducatif traditionnel,l’enfant est souvent sollicité sur le mode de la motivation extrinsèque,c’est-à-dire que c’est l’environnement de l’enfant qui l’incite à réaliser telles activités,telles tâches ou telles actions.Parfois en lui demandant son avis ou parfois en lui imposant sur le mode de l’obligation.

Lorsqu’un enfant a longtemps été sollicité sur ce type de fonctionnement, il peut être difficile pour lui de développer une motivation intrinsèque,c’est-à-dire une motivation interne qui vient de lui et ses propres désirs et besoins.

Pour les enfants qui sortent du système scolaire traditionnel,la période de « reconnexion » à leurs désirs et besoins peut être longue et nécessiter une grande période d’inactivité ou d’ennui avant d’émerger.

Pour autant, elle est nécessaire car seule la motivation intrinsèque sera suffisamment puissante pour développer sa curiosité et lui donner envie d’expérimenter et d’apprendre. Les apprentissages ainsi réalisés seront d’une tout autre essence et de bien meilleure qualité que ceux « imposés » et auront un rythme et des effets qui ne ressembleront pas aux apprentissages « classiques ».

Bien entendu, la motivation intrinsèque de l’enfant seule ne suffit pas et l’adulte peut l’accompagner en mettant à disposition de l’enfant un environnement varié et stimulant pour lui permettre d’explorer, de jouer et d’apprendre.

L’adulte peut également accompagner l’enfant de façon plus active en l’aidant à définir des projets, en l’encourageant à trouver des informations à l’extérieur du foyer et en le soutenant dans ses différentes expérimentations et démarches.

Mais n’oublions pas que,naturellement,un enfant est curieux et a envie de comprendre son environnement, la mission de l’adulte est,à mon sens,de l’accompagner dans ses découvertes et les propositions venant de l’adulte ne devraient se faire qu’avec parcimonie afin de lui permettre de se saisir pleinement de cette formidable liberté que représente la possibilité d’apprendre dans le cadre de l’instruction en famille !

 

Sophie Baudry, en collaboration avec leslunettesdemaja.fr, pour Pass Education